Histoire de Nora qui s’autosabotait

Nora est une jolie jeune femme âgée de 30 ans, brune aux grands yeux noirs. Elle a brillamment réussi un Master en Droit des affaires, une réussite qui a réjoui ses parents qui eux n’avaient pas pu faire d’études.

 

Il faut dire que ses parents sont tous deux d’origine Portugaise. Ce sont ses grands-parents qui ont « choisi » de quitter le Portugal pour donner une chance à leurs futurs enfants de vivre une vie meilleure. Nora, elle, est née en France, issue de la deuxième génération née sur le territoire français, et elle se sent totalement française.

 

Quand les parents de Nora étaient enfants, ils ont servi d’interlocuteurs entre leurs propres parents et les différentes administrations françaises. Il paraît que cela fabrique des enfants adultisés, des enfants amenés à prendre en charge leurs parents, à servir d’interprètes, à gérer des dossiers qui ne sont pas de leur âge, des enfants dont l’enfance a été écourtée.

 

Nora est reconnaissante à ses parents de lui avoir permis de faire des études, en se sacrifiant comme ils disent. Eux-mêmes ont galéré dans des métiers exténuants (lui maçon et elle femme de ménage), une vraie caricature de famille portugaise ! Et ils souhaitent que leur fille unique ait une vie plus douce, plus épanouissante. En effet, sa mère a failli mourir en la mettant au monde et cela a coupé court au projet parental de bâtir une grande famille.

 

Pourtant, elle n’arrive pas à décrocher un job à la hauteur de son niveau d’études (Bac + 5). Elle navigue de CDD en missions d’intérim pour assumer des fonctions bien en deçà de ses capacités. Cela fait 5 ans qu’elle végète et elle se sent de plus en plus déprimée.

 

Fatima, sa cousine germaine, est une passionnée de constellations familiales. Elle est un peu plus âgée que Nora et a traversé des difficultés d’un autre genre : elle n’arrivait pas à acquérir un bien immobilier. A chaque fois qu’elle trouvait un bien qui lui convenait, quelque chose venait se mettre en travers de son chemin : le bien était acheté par un ami de la famille des vendeurs, la mairie faisait préemption sur la maison, etc.

 

C’est en faisant une constellation familiale que Fatima avait compris qu’elle était en loyauté invisible –de façon très inconsciente- à ses ancêtres restés au pays. Ainsi, en ne s’implantant pas en France par un achat immobilier, elle leur restait loyale, à eux et au Portugal.

  • Ancrage, énergie de vie, légitimité, tout cela était lié, lui dit-elle. Depuis que j’ai pu honorer le pays de nos ancêtres, ceux qui sont restés au pays et honorer la France qui nous a accueillis, j’ai pu enfin acquérir ma maison avec leur bénédiction. C’était touchant et magique. J’ai réalisé qu’en réussissant, en devenant propriétaire, je pouvais les honorer d’une autre manière, beaucoup plus constructive.

 

  • Tout cela est bien beau, lui dit Nora, mon problème à moi est tout autre. Il est professionnel. Pourquoi ne puis-je réussir alors que j’ai les diplômes qui vont bien.

 

  • Pour la même raison que moi, lui répondit Fatima. Tu es restée loyale à tes ancêtres et tu ne peux réussir mieux qu’eux, par loyauté inconsciente. Il se pourrait d’ailleurs que tu cumules une autre difficulté liée à ta naissance.

 

  • Laquelle ? s’exclama Nora bouleversée.

 

  • Et bien, ta maman a failli mourir en te mettant au monde. Comme tous les enfants, tu es dans la pensée magique que tu en es responsable. Par conséquent, tu te le fais payer, tu t’autosabotes bien malgré toi !

 

  • Mon Dieu, penses-tu que les constellations familiales pourraient m’aider à me libérer de tout cela ?

 

  • C’est possible. Je ne peux que t’encourager à en faire l’expérience, en groupe de préférence. Tu verras combien c’est touchant de participer aux constellations des autres et combien c’est éclairant de constater la dynamique qui était à l’œuvre dans ta vie et surtout de t’en libérer ! Tiens-moi informée.

 

Quelques semaines plus tard, les deux cousines se retrouvaient autour d’un café. Nora était rayonnante, elle venait enfin de décrocher un job de juriste.

 

Elle raconta à Fatima qu’elle avait constellé sa problématique professionnelle et qu’effectivement, c’était lié à l’immigration familiale et aussi aux circonstances de sa naissance. L’atelier de constellations familiales avait été éprouvant émotionnellement mais tellement nourrissant humainement. Elle avait été surprise de ressentir, en tant que représentante, des émotions et sensations qui appartenaient aux familles des autres participants. Elle avait compris qu’en tant que « grande famille humaine », nous sommes tous liés et que par amour et par loyauté nous pouvons prendre des trajectoires qui ne sont pas les nôtres. Elle avait enfin repris les rennes de son destin tout en honorant ses origines.

 

  • Finalement, je suis Portugaise et Française, dit-elle à Fatima. Je n’ai pas à choisir. Ce sont mes racines et elles me soutiennent pour continuer à grandir.

 

Histoire écrite par Sylvie Bergeron

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