Crise de la quarantaine, démon de midi ou encore syndrome du « nid vide », telles sont les expressions usuelles qui recouvrent une réalité universelle, quoique encore insuffisamment reconnue, celle de la crise du milieu de la vie (CMV).
Véritable crise existentielle –à la fois psychologique et spirituelle-, cette crise de croissance est considérée comme la 2ème crise d’identité après celle de l’adolescence, ce qui fait qu’on la nomme parfois crise de la «maturescence».
Elle survient entre 35 et 50 ans à la faveur d’un ou plusieurs évènements-chocs, plutôt subis : rupture professionnelle ou conjugale, départ d’un enfant ou décès d’un parent, maladie, accident ou encore promotion ou nouvelle rencontre. Elle s’associe ainsi à la notion de finitude ou de mort avec la prise de conscience du temps qui passe, de sa vulnérabilité et de la possibilité de saisir une dernière chance de se réaliser. Comme l’a écrit Roland Barthes : « jusque là, on se savait mortel et, tout à coup, on se sent mortel ».
La première partie de vie s’articulait sur le « faire » et le « paraître », dans la poursuite d’un but socio-professionnel et d’une construction nécessaire de l’ego et de comportements relationnels associés.
La crise du milieu de la vie marque l’entrée dans un passage qui va généralement durer plusieurs années. Elle propose d’aboutir à une redéfinition consciente de ses choix de vie dans l’idée d’aligner l’ « être » avec le « faire », d’habiter ses choix autrement, de redonner du sens au « faire » pour être en harmonie avec soi-même.
C’est donc une période de bilan, de tri, de questionnements du type « qu’ai-je fait de ma vie ? » « était-ce mes choix ? » « à quoi cela m’a-t-il servi de courir après ça ? », « qu’est-ce qui est important pour moi maintenant ? » etc…
Ce bilan touche tous les domaines de la vie : conjugal, affectif, familial, social et professionnel. Il se traduit par des états psychologiques inconfortables : anxiété, doutes, regrets, état dépressif (envie de rien, baisse du désir de vivre, de la libido) avec un tendance à vouloir tout rejeter, à se dévaloriser, quitte à se réfugier dans des mondes bullaires où l’implication socio-professionnelle est minimale. C’est le phénomène des « cadres en panne » dans le monde du travail.
Ce passage invite à un travail de libération et de deuil : faire le deuil de ce à quoi on était attaché et de ce à quoi on croyait pour naître une deuxième fois et cette fois-ci à soi-même.
Comme le dit un proverbe Cheyenne « L’homme qui n’est pas né une deuxième fois marche toute sa vie dans les mocassins de son père ».
Sortir de ce passage permet d’effectuer une « mue » : s’alléger de carapaces, de protections, de faux-semblants, de croyances, d’orgueil pour accéder à plus d’humanité, d’humilité, de créativité souvent, d’intégrité et de sagesse.
Bibliographie :
– Lucien Millet « La crise du milieu de la vie » Ed Masson 1993
– Françoise Millet-Bartoli « La crise du milieu de la vie, une deuxième chance » Ed. Odile Jacob 2002
– Daniel J. Levinson « Les saisons de la vie d’un homme » Ballantine Books NY
– Armelle Oger « Et si l’on changeait de vie » Ed. JC Lattès